Publié le 2 février 2024 Mis à jour le 16 septembre 2024

Fascinée par l’impact sur notre santé des micro-organismes qui peuplent nos intestins, la jeune chercheuse Héloïse Chat (ex-doctorante à l'Université Clermont Auvergne, M2iSH) s’est révélée une talentueuse vulgarisatrice lors du concours 2023 Ma thèse en 180 secondes. Portrait, tout en équilibre.

Fascinée par l’impact sur notre santé des micro-organismes qui peuplent nos intestins, la jeune chercheuse Héloïse Chat (ex-doctorante à l'Université Clermont Auvergne (UCA), M2iSH1 ) s’est révélée une talentueuse vulgarisatrice lors du concours 2023 Ma thèse en 180 secondes. Portrait, tout en équilibre.

Héloïse Chat est en pause. Mais inactive non, ça jamais. Quelques minutes suffisent en effet, tandis que la jeune femme se raconte en ce jeudi 18 janvier au kiosque Le Dunant de la faculté de médecine et de pharmacie, pour comprendre que l’oisiveté ne semble pas vraiment faire partie de sa nature. Après une année intense – elle a soutenu sa thèse le 1er décembre dernier, participé à la finale nationale de Ma thèse en 180 secondes (MT180)… – elle a néanmoins décidé de prendre un peu de temps pour elle. « Je pense que c’est le Covid qui m’a fait dire : « Prends ton temps, profite de tes proches, voyage ! » C’est vrai que j’ai tracé mon parcours tout droit… donc là, c’est ce que je vais faire pendant deux-trois mois. » Tout en cherchant un bon post-doctorat à l’étranger. Et sans mettre de côté ses activités associatives. Une pause active, donc.

La passion au ventre

En fait, Héloïse est en recherche d’équilibre dans tous les domaines. D’abord dans celui qui la passionne, auquel elle a consacré une thèse : le microbiote (ou flore) intestinal, ces milliers de milliards de micro-organismes – virus, bactéries, champignons… – qui nous aident à rester en bonne santé. Mais dont le déséquilibre, parfois, engendre des pathologies plus ou moins graves. Ainsi pendant trois ans, elle a travaillé sur des souches de bactéries spécifiques qui composent ce microbiote intestinal, les CoPEC2. Elles produisent une toxine, la colibactine, suspectée d’être impliquée dans le cancer colorectal. Lorsqu’elle est libérée dans les cellules intestinales, elle rend en effet l’ADN instable, créant des mutations qui peuvent les rendre cancéreuses. « Au niveau du colon, une couche de mucus protège les cellules. J’ai essayé de comprendre comment ces bactéries la traversent et accèdent à la surface des cellules pour induire des dommages », explique la jeune chercheuse. « Au cours de sa thèse, Héloïse était toujours pleine d’idées et de nouvelles perspectives pour son projet, se souvient son amie Marie Depresle, assistante ingénieure au laboratoire « Imagerie Moléculaire et Stratégies Théranostiques » (IMoST) hébergé à l’IUT (Institut Universitaire de Technologie) de Clermont-Ferrand. Elle n‘obtenait pas toujours les résultats qu’elle avait imaginés, mais elle trouvait quand même des solutions, des réponses… c’est quelqu’un de très dynamique, très entreprenant

Elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. En post-doctorat, elle ambitionne de poursuivre ses recherches, sur une autre bactérie peut-être, une autre pathologie. Ou sur un tout autre sujet : les additifs alimentaires et leur impact sur notre flore intestinale. « J’aime beaucoup tout ce qui est nutrition, comprendre comment chacun de nous peut agir sur sa santé en fonction de ce qu’il mange. » Une histoire d’équilibre, là encore.

La jeune femme partage son appétit scientifique pour le microbiote avec un tel enthousiasme, qu’on s’étonnerait presque que ce thème, et même la santé humaine en général, ne l’aient pas toujours passionnée. En fait c’est progressivement et un peu par hasard il faut bien le dire, que son intérêt s’est éveillé. Le goût des sciences en revanche, l’envie de comprendre, semblent avoir toujours été là, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. « J’étais une enfant hyper pipelette qui demandait tout le temps à ses parents « Mais pourquoi ? » Je parlais énormément. Aujourd’hui je parle encore très facilement et beaucoup !»

Nourriture microbiologique

Au lycée, Héloïse voulait être vétérinaire. Elle demande les classes prépa, sans succès. « J’étais sur liste d’attente. Finalement j’ai été prise en DUT analyse biologique et biochimique à Clermont-Ferrand [devenu BUT Génie biologique]. J’ai pleuré, ce n’était pas du tout ce que je voulais ! » Heureux concours de circonstances, c’est pourtant à l’IUT que vont s’épanouir ses futures passions, la microbiologie, la digestion, la nutrition… Elle y rencontre des enseignants-chercheurs passionnés, très accessibles, déterminants pour son orientation. « On pouvait discuter de tout… Ils étaient tellement passionnants que beaucoup d’entre nous ont continué dans la recherche. Je ne connaissais pas le métier d’enseignant-chercheur avant. C’est là, au DUT, que j’ai découvert qu’il était possible de faire de l’enseignement et de la recherche en même temps. » Et qu’elle découvre les « manips » et l’expérimentation. « On avait beaucoup de travaux pratiques, où on manipulait, je me suis rendu compte que j’adorais ça. On associait vraiment ce qu’on voyait à ce qu’on apprenait. »

La jeune étudiante se nourrit de rencontres et de lectures. Le best-seller de la médecin allemande Giulia Enders, « Le charme discret de l’intestin » confirme son intérêt naissant pour le microbiote. « Je trouve cela impressionnant, à quel point des êtres microscopiques impactent notre santé. On est autant bactériens que humains ! C’est pour cela qu’il est très important d’étudier ces bactéries qui nous habitent. » Après une licence 3 en biologie cellulaire et physiologie, elle poursuit sans hésitation en master biologie santé et obtient à l’issue du M2 une bourse pour financer ses trois ans de recherche au M2iSH. Un parcours sans faute.

Consciente d’avoir bénéficié au début de ses études d’un environnement exceptionnel, incroyablement riche et stimulant, elle souhaite aujourd’hui en faire bénéficier les nouveaux étudiants du BUT. Au sein de l’association des anciens, elle prend à cœur sa mission d’information. « On vient voir les étudiants pour leur dire : voilà ce que vous pouvez faire après, est-ce que vous avez des questions ? Est-ce que vous êtes perdus sur votre avenir ? On peut vous aider. J’ai eu la chance d’avoir des informations, que les enseignants me guident… C’est important pour moi cette transmission », insiste -t-elle. Rendre ce qu’on lui a donné, cela aussi fait partie de son équilibre. « Héloïse, c’est la gentillesse-même, elle est bienveillante, à l’écoute… », souligne Leslie Vercruysse, doctorante au M2iSH.

Vulgarisation en tête

Mais son équilibre, Héloïse Chat le sait fragile. Alors elle tâche d’en prendre soin, dans tous les pans de sa vie, professionnels, personnels. « Je pense que je comprends au fur et à mesure. Avant je n’avais pas le yoga par exemple, je ne faisais que des sports d’impact, des choses intenses, et je me suis rendu compte avec la thèse qu’il me fallait aussi quelque chose qui me calme, et même au niveau du corps, qui m’assouplisse… Je me suis dit qu’il fallait que je trouve un équilibre, pour que ça suive ensuite au niveau de la fatigue et du sommeil. Ça a été essentiel pendant la période d’écriture, raconte-t-elle. La thèse a été intense mais j’ai réussi à garder mes amis, on a fait plein d’activités extérieures. J’ai pu garder aussi mes activités associatives. Je pense qu’il faut un équilibre pour que ça tienne et qu’on soit efficace. » Son énergie impressionne : « Je ne sais pas comment elle faisait pour en faire autant pendant sa thèse, avoue sa collègue et amie. Elle ne tient pas en place Héloïse ! »

En fait, cela se voit, qu’Héloïse Chat est une femme d’énergie et d’équilibre. Jusque dans la posture qu’elle adopte pour ma thèse en 180 secondes (ses différentes prestations sont visibles sur Youtube). Les pieds bien campés dans le sol, le corps stable, solidement ancré. L’expérience MT180 la marque profondément. Elle y rencontre d’autres doctorants, se nourrit de partage, d’entraide, et s’y découvre un talent pour transmettre. « Je ne pensais que pas que ça allait prendre autant de place en moi, la vulgarisation… je garde ça en tête pour plus tard. » Mais chaque chose en son temps. Pour l’heure, priorité au post-doctorat et… au soin de soi.
 

Le concours Ma thèse en 180 secondes
La prochaine finale clermontoise est organisée le 11 Mars 2024.


Retrouvez toutes les informations sur le concours MT180 sur notre fiche dédiée.


 

1. M2iSH (Unité Mixte de Recherche UCA / INSERM) : Microbes, Intestin, Inflammation et Susceptibilité de l'Hôte.

2. Les CoPEC sont des bactéries Escherichia coli productrices d’une toxine, la colibactine, fréquemment détectées dans le cancer colorectal.