Publié le 22 mai 2024–Mis à jour le 24 octobre 2024
The Conversation - On sait tous que les enfants courent et jouent toute la journée, en se reposant à peine. Cette endurance peut épuiser plus d’un parent ou d’un éducateur sportif. Son origine a longtemps été source de débats chez les scientifiques : est-elle liée à la forme physique ou à autre chose ?
On sait tous que les enfants courent et jouent toute la journée, en se reposant à peine.
Cette endurance peut épuiser plus d’un parent ou d’un éducateur sportif. Son origine a longtemps été source de débats chez les scientifiques : est-elle liée à la forme physique ou à autre chose ?
L’étude que notre équipe de l’Université Clermont Auvergne (France) et de l’Université Édith Cowan (Australie) vient de publier examine la fatigabilité et la récupération chez des enfants et des adultes lors d’un effort intense à vélo. Elle montre que les enfants ont non seulement de meilleurs résultats que la plupart des adultes, mais qu’ils peuvent faire jeu égal avec des athlètes endurants, et récupérer encore plus vite.
Les muscles des enfants sont différents
Plusieurs expériences ont montré que les muscles des enfants se fatiguent plus lentement que ceux des adultes.
Ces résultats semblent défier la logique scientifique. Les enfants ayant des jambes plus petites, ils font plus de mouvements, par exemple. Ils devraient donc, en théorie, dépenser davantage d’énergie.
Ils n’optimisent pas non plus le système de stockage-restitution d’énergie de leurs tendons. Autrement dit, leurs tendons emmagasinent moins d’énergie susceptible d’être réutilisée lors des phases de poussée au sol.
Enfin, par inexpérience, ils activent davantage les muscles qui s’opposent au mouvement. Par conséquent, ils consomment davantage d’énergie.
Dès lors, pourquoi les enfants sont-ils endurants ?
Effort aérobie et anaérobie
Cette endurance remarquable s’expliquerait en partie par une utilisation différente des filières métaboliques.
Les filières anaérobies (en l’absence d’oxygène) produisent beaucoup d’énergie en peu de temps mais engendrent une fatigue rapide. Les sprinters y ont ainsi recours pour accélérer sur de courtes distances.
La filière aérobie (en présence d’oxygène) produit moins d’énergie en peu de temps mais permet de s’exercer plus longtemps, comme lors d’un marathon.
La science a montré que les enfants utilisent davantage l’énergie d’origine aérobie que les adultes, ce qui diminue la part anaérobie produisant la fatigue. Leur métabolisme aérobie s’activant aussi plus vite que chez leurs aînés, ils ont moins recours à l’énergie anaérobie au démarrage de l’exercice.
Cet avantage tiendrait en partie au fait que les enfants disposent d’une plus grande proportion de fibres musculaires à contraction lente (résistantes à la fatigue musculaire) qui ont une activité enzymatique génératrice d’énergie aérobie plus importante.
Ces découvertes nous ont incités à vérifier si les muscles des enfants réagissaient à l’effort de la même façon que ceux des athlètes très entraînés en endurance, qui présentent les mêmes caractéristiques physiologiques.
Tous en selle !
Nous avons testé cette hypothèse au cours d’une expérience menée à l’Université Clermont Auvergne (France).
Des enfants (10,5 ans d’âge moyen), des jeunes adultes (21,2 ans) présentant le même niveau d’activité physique que les enfants, et des athlètes masculins endurants, de taille et d’âge équivalents (21,5 ans), ont effectué deux tests sur un vélo stationnaire.
Lors du premier test, on augmentait régulièrement la puissance jusqu’à épuisement pour mesurer leur capacité aérobie maximale. Lors du second, il fallait que les volontaires sprintent pendant trente secondes. Nous avons pu ainsi mesurer plusieurs paramètres physiologiques à l’effort, évaluer la fatigue puis la récupération.
Nous avons découvert qu’au cours de l’effort intense, les enfants sont autant résistants à la fatigue que les athlètes endurants (une perte de puissance d’environ 40 %) et moins fatigables que les adultes non entraînés (50 % de perte environ).
Les résultats montrent également que la part d’énergie produite par la filière aérobie durant le sprint était équivalente chez les enfants et les athlètes, et supérieure à celle observée chez les adultes sans entraînement.
Ils indiquent que le niveau de fatigue résultant d’un effort intense est semblable chez les enfants et les athlètes endurants, probablement en raison d’une incroyable production d’énergie par la filière aérobie.
Les données recueillies en phase de récupération montrent également des conclusions étonnantes. Le rythme auquel la consommation d’oxygène diminue après l’effort était identique chez les enfants et les athlètes. Ceux caractérisant la récupération de la fréquence cardiaque et l’élimination du lactate du sang (une molécule liée à la fatigue musculaire) étaient aussi rapides dans les deux groupes, et même plus rapides que chez les adultes sans entraînement.
Ces résultats démontrent que les muscles des enfants récupèrent plus rapidement des efforts très intenses. Ils pourraient expliquer pourquoi les enfants parviennent à produire des efforts à répétition tandis que la plupart des adultes s’y épuisent.
Comment fonctionnent les muscles des enfants
Ces données sont un bon guide sur la manière d’optimiser les efforts et la préparation physique des enfants (les lecteurs peuvent consulter l’ouvrage récemment publié par Sébastien Ratel, Préparation physique du jeune sportif, éditions Amphora, 2018)..
Les enfants s’épuiseraient moins que les adultes lors d’efforts intenses et répétés. Avant la puberté, il n’est donc pas nécessaire de travailler l’endurance aérobie. Il faudrait plutôt développer la vitesse, et porter une attention particulière sur les compétences motrices et le renforcement musculaire (la force).
Les adultes et les adolescents devraient mettre davantage l’accent sur l’amélioration de la capacité aérobie de leurs muscles qui diminue au moment de la puberté.
Cela pourrait avoir des implications importantes pour la santé. La prévalence des affections métaboliques, dont le diabète et plusieurs formes de cancer, augmente chez les adolescents et les jeunes adultes mais celles-ci sont encore rares chez les enfants.
Il se pourrait que la perte de capacité aérobie des muscles entre l’enfance et le début de l’âge adulte soit une étape clé de la maturation biologique favorisant l’apparition des pathologies métaboliques.
Il serait donc intéressant d’étudier le lien entre maturation biologique et prévalence des pathologies métaboliques et vérifier si l’entretien de la capacité aérobie des muscles par des exercices appropriés durant l’adolescence ne serait pas le meilleur traitement préventif contre les maladies métaboliques.
Quoi qu’il en soit, nous avons déjà une idée des raisons pour lesquelles les enfants peuvent jouer ad libitum tandis que nous, les adultes, devons prendre le temps de souffler : ils sont déjà au top.
Traduit de l’anglais par Julie Flanère pour Fast for Word.
Sébastien Ratel
Maître de conférences en physiologie de l'exercice à l'Université Clermont Auvergne (UCA)
Anthony Blazevich Professeur de biomécanique à l'Université Edith Cowan (Australie)
The Conversation
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. The Conversation est un média indépendant en ligne et sans but lucratif, qui propose du contenu provenant de la communauté universitaire.