Publié le 12 novembre 2024 Mis à jour le 22 janvier 2025

Découvrez le nouveau satellite EarthCARE qui fait la fierté de l’ESA et de la JAXA ! Guillaume Mioche nous révèle les enjeux d’un tel satellite, colosse de technologie au cœur de la mission d'exploration terrestre la plus complexe menée par l'ESA.

Lancé dans la nuit du 28 au 29 mai 2024, le nouveau satellite EarthCARE[1] fait la fierté de l’ESA[2] et de la JAXA[3], les deux agences spatiales coordinatrices de ce projet de taille. Ce satellite est au cœur de la mission d’exploration de l’atmosphère terrestre la plus complexe jamais réalisée par l’ESA. Et parmi les nombreux laboratoires internationaux impliqués, on retrouve le LaMP[4] : un laboratoire clermontois ! Guillaume Mioche[5] compte parmi les chercheur·e·s auvergnat·e·s engagé·e·s dans cette nouvelle aventure spatiale internationale. Maître de conférences à l’Université Clermont Auvergne (UCA), il nous révèle les enjeux d’un tel satellite, colosse de technologie inédit.


 

Le LaMP fait partie des 12 laboratoires français participants à cette mission spatiale de taille. Quelle est l’implication des chercheur·e·s auvergnat·e·s dans la réalisation de ce nouveau satellite ?

 

G.M. : Le LaMP était déjà impliqué depuis 2006 dans les missions des satellites « grands-frères » de EarthCARE : CALIPSO et ClouSat[6]. EarthCARE a été pensé pour être la suite évolutive de ces deux précédents satellites, le LaMP s’est donc naturellement impliqué dans cette nouvelle mission spatiale. Pour nous c’est une continuité, avec des améliorations supplémentaires car les instruments de EarthCARE sont bien plus performants que ceux de ses « grands-frères ».

En ce qui concerne nos missions dans le projet EarthCARE, notre implication se situe dans des tâches dites « Cal/Val » : c’est-à-dire un travail de calibration et de validation des données du satellite. On travaille également sur la simulation numérique des instruments de EarthCARE, pour décortiquer leurs paramètres et la physique des mesures de télédétection[7] spatiale. Et bien sûr, nous utiliserons les données livrées par EarthCARE pour étudier l’atmosphère nuageuse à une échelle globale et en continu, en complément des observations in situ ou au sol réalisées par le laboratoire.
 


Quels sont les objectifs de ce nouveau satellite international ?


 

G. M. : Le satellite EarthCARE embarque quatre instruments de télédétection de pointe[8] qui vont permettre d’améliorer l’étude des nuages, des précipitations et des aérosols[9], trois objets d’étude déjà au cœur des missions du LaMP. L’objectif final de EarthCARE est de comprendre l’impact des nuages et des aérosols sur le bilan radiatif[10] de la planète, dans un contexte de réchauffement du climat.

Tout d’abord, EarthCARE va permettre de mesurer les structures verticales des nuages, des précipitations et des aérosols. Cela va rendre possible une meilleure quantification des nuages et de leur typologie, et une meilleure compréhension de leur cycle de vie et de leurs interactions avec le rayonnement terrestre. Il va également nous permettre de mieux identifier les aérosols et leurs différentes sources (déserts, milieux marins, anthropiques…), afin que l’on parvienne à distinguer la part des aérosols issue de l’activité humaine, bien que cela reste assez difficile.
 

En plus des nuages et des aérosols, ce satellite nous permettra aussi une meilleure compréhension des précipitations. On a encore aujourd’hui du mal à modéliser avec précision la composition des nuages et les quantités d’eau et de neige tombant sur Terre, c’est un réel frein dans les modèles climatiques actuels. Tous ces résultats seront obtenus grâce au croisement des données des différents instruments très performants du satellite.


 

Ces instruments de pointe ont d’ailleurs délivré en juillet 2024 leur toute première image : est-elle inédite pour les scientifiques ?


G. M. : Oui elle est inédite ! Bien qu’elle confirme certaines informations que l’on attendait, elle nous donne pour la première fois une représentation depuis l’espace, de la phase du nuage et la vitesse de chute de ses particules. C’est-à-dire que l’on peut distinguer en une image : la zone « nuage » composée de cristaux de glace en suspension dans l’air (zone verte sur la partie droite de l’image). Et on distingue également la zone de précipitations (zone en bleu dans la partie droite de l’image) [11]. Ces nouvelles informations vont nous permettre d’étudier et de mieux quantifier les flux des nuages à l’échelle du globe.


C’est la première fois que les quatre instruments à haute résolution de EarthCARE sont utilisés ensemble dans l’espace, depuis la même plateforme.

 


Photo : ©JAXA/NICT/ESA – Première image délivrée par le satellite EarthCARE début juillet 2024. Image en deux parties : à gauche, une représentation de la concentration verticale des particules nuageuses, à droite la vitesse de chute de ces particules.




Visionnez le lancement du satellite ci-dessous : « ESA’s EarthCARE launch (Official broadcast) », European Space Agency, 28 mai 2024.



 


[1] Earth Cloud Aerosol and Radiation Explorer (EarthCARE).
[2] European Space Agency (ESA), l’Agence spatiale européenne.
[3] Japan Aerospace Exploration Agency (JAXA), Agence d’exploration aérospatiale japonaise.
[4] Laboratoire de Météorologie Physique (LaMP) de l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand (OPGC).
[5] Il est membre du Laboratoire de Météorologie Physique (LaMP).
[6] Calipso : Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observations, mission en coordination entre la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et le Centre National des Études Spatiales (CNES). Cloudsat est un satellite de la NASA. Pour aller plus loin : https://www.aeris-data.fr/projects/calipso/
[7] La télédétection est une méthode de mesure qui permet d’obtenir des informations sur un objet, sans contact entre l’instrument utilisé pour recueillir les données et l’objet analysé. C’est une méthode notamment utilisée par les satellites.
[8] Les quatre instruments utilisés sont : un radar Doppler profileur des nuages, un lidar atmosphérique à haute résolution spectrale, un imageur multispectral et un radiomètre à large bande. Retrouvez plus de détails ici : https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/lancement-du-satellite-earthcare
[9] Particules en suspension dans l’air, d’origine naturelle (océanique, désertique…) ou humaine. Toutes ne sont pas polluantes, bien qu’un grand nombre d’entre-elles soit issu des activités humaines.
[10] Ce bilan quantifie l’énergie reçue et perdue par le système climatique de la Terre, sous forme de rayonnement. La principale source externe d’énergie est celle transmise par le soleil. Pour aller plus loin : https://www.universalis.fr/encyclopedie/bilan-radiatif-de-la-terre/
[11] Pour voir en direct cette première représentation des précipitations : https://www.esa.int/Applications/Observing_the_Earth/FutureEO/EarthCARE/A_first_EarthCARE_reveals_inner_secrets_of_clouds
 
Références

« Premiers résultats d’EarthCARE, les secrets des nuages révélés », CNRS Terre & Univers, 4 juillet 2024, disponible en ligne : https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/premiers-resultats-dearthcare-les-secrets-des-nuages-reveles

« Lancement du satellite EarthCARE », CNRS Terre & Univers, 28 mai 2024, disponible en ligne : https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/lancement-du-satellite-earthcare