Pendant cinq années de thèse et en parallèle de son activité de praticienne hospitalière, Laure Chaput a exploré comment optimiser les techniques de préservation de la fertilité féminine. Le 15 avril dernier, à l’occasion du Prix Jeunes Chercheurs organisé par la ville de Clermont-Ferrand, elle a relevé le défi périlleux de présenter ses recherches au grand public en seulement quelques minutes. Un défi récompensé puisqu’elle a remporté le prix « PUI Cap-I-Terr », relatif au caractère innovant de ses recherches.
Pendant cinq années de thèse et en parallèle de son activité de praticienne hospitalière, Laure Chaput a exploré comment optimiser les techniques de préservation de la fertilité féminine. Le 15 avril dernier, à l’occasion du Prix Jeunes Chercheurs organisé par la ville de Clermont-Ferrand, elle a relevé le défi périlleux de présenter ses recherches au grand public en seulement quelques minutes. Un défi récompensé puisqu’elle a remporté le prix « PUI Cap-I-Terr », relatif au caractère innovant de ses recherches.
Dans quel contexte de santé s’inscrit votre thèse ?
Chaque année, nous constatons plusieurs centaines de nouveaux cas de cancer chez les enfants, adolescents et jeunes adultes en France. Et grâce à l’amélioration des diagnostics et des traitements, ces personnes survivent et pourront potentiellement avoir un désir de grossesse à l’âge adulte. Et depuis le début des années 2000, la préservation de la fertilité est régie par des lois de bioéthique qui autorisent les personnes dont la prise en charge médicale altère la fertilité (comme des traitements par chimiothérapies) de bénéficier d’une préservation de leur fertilité. C’est dans ce contexte que s’inscrit ma thèse. J’ai travaillé sur la mise au point et la validation de techniques de préservation de la fertilité féminine chez des filles atteintes par le sarcome d’Ewing, un cancer des os dont le traitement rend stérile.
Coupe du tissus périphérique de l'ovaire (cortex ovarien) montrant des cellules cancéreuses - Coupe du tissus périphérique de l'ovaire (cortex ovarien) montrant des cellules cancéreuses
Quelles expériences vous ont amenée à réaliser cette thèse ?
En fait, j’étais déjà très sensibilisée à la médecine de la reproduction dès le collège. J’avais vu des reportages qui m’avaient particulièrement intéressée et marquée. Lors de mon parcours de pharmacie, j’ai eu l’occasion de réaliser un stage de première année de master sur la congélation des tissus ovariens pour les petites filles et ça a été le déclic pour poursuivre dans cette voie. J’ai ensuite passé le concours de l’internat pour être pharmacienne biologiste. Je suis partie à Paris pour ces quatre années d’internat et j’ai pu faire des stages dans divers laboratoires et services hospitaliers de médecine de la reproduction. À mon retour en 2019, j’ai commencé ma thèse à mi-temps. La moitié du temps restant, j’étais praticienne hospitalière dans la prise en charge des couples infertiles et des patients pour la préservation de leur fertilité. Maturation in vitro d'un ovocyte immature en ovocyte mature avec expulsion d'un globule polaire nécessaire pour être fécondé correctement par un spermatozoïde - Maturation in vitro d'un ovocyte immature en ovocyte mature avec expulsion d'un globule polaire nécessaire pour être fécondé correctement par un spermatozoïde
Quelles sont les techniques de préservation de la fertilité et qu’avez-vous mis en place pour les optimiser ?
Il y a deux cas de figure. Soit la jeune fille atteinte de cancer est pubère et dans ce cas, on récupère directement des ovocytes. Soit la petite fille n’est pas encore pubère et la seule technique est la congélation d’un ovaire que l’on regreffera à l’âge adulte. La limite de cette dernière technique est qu’il est possible que des cellules cancéreuses résiduelles se retrouvent dans le tissu ovarien. Nous avons donc mis au point une technique de détection précise du sarcome d’Ewing. C’est une première en ce qui concerne ce type de cancer. Grâce à une technique de biologie moléculaire1, nous sommes capables de détecter la présence de seulement 10 cellules tumorales ! Cela permet donc d’être certain de regreffer un ovaire sain à l’âge adulte. Dans le cas où la jeune fille est pubère, après stimulation hormonale, on récupère et congèle des ovocytes matures. Parfois, malgré la stimulation hormonale, certains ovocytes restent immatures et ne sont pas utilisables en assistance médicale à la procréation (AMP) car non compétent à la fécondation. Pour potentialiser leur réutilisation, nous avons développé une méthode optimisée de « maturation in vitro de sauvetage » de ces ovocytes et augmenter le nombre d’ovocytes matures utilisables par la suite en AMP. Les méthodes classiques de congélation des ovocytes sont manuelles, demandent beaucoup de temps d’apprentissage et sont longues à réaliser. Grâce à un automate habituellement utilisé pour la congélation des embryons, nous l’avons adapté à celle des ovocytes. Appareil de vitrification semi-automatique GAVI® (Merck) - Appareil de vitrification semi-automatique GAVI® (Merck)
Comment avez-vous vécu l’expérience « Prix Jeune Chercheur » ?
Vulgariser devant le grand public était une première pour moi. Je fais de l’enseignement à la faculté de médecine donc j’ai appris à expliquer des concepts scientifiques… Mais là, c’est différent. J’ai trouvé l’exercice assez difficile mais très formateur. Cela me tenait à cœur que des personnes qui ne sont pas du domaine, comme mes parents par exemple, comprennent ce que je fais. Et je crois que ce qui a pu marcher c’est de montrer à quel point je suis passionnée par ce que je fais et d’expliquer que les recherches fondamentales que l’on mène ont une application concrète. Et puis, j’ai été très heureuse d’avoir reçu un prix. C’est une reconnaissance de tout le travail accompli ! J’ai apprécié le clin d’œil par rapport à l’aspect innovant de ma thèse. C’est vrai que nous avons eu de la chance, grâce à des fonds de recherche, d’avoir du matériel innovant et de le proposer en clinique pour optimiser les processus de préservation de la fertilité.
Vous êtes actuellement praticienne hospitalière mais aussi chercheuse ET enseignante…
Oui ! Après ma thèse, j’ai continué mon activité hospitalière au CHU de Clermont-Ferrand, de recherche au laboratoire IMOST (Imagerie Moléculaire et Stratégies Théranostiques) et d’enseignement en facultés de médecine et pharmacie. Ce n’est pas de tout repos Mais je suis passionnée. J’aime ma discipline car c’est une médecine tournée vers l’avenir qui sera toujours en train d’évoluer. Il faudra toujours améliorer les méthodes pour qu’il y ait plus de grossesses ! Au niveau de la recherche, mes collègues et moi allons par exemple continuer de travailler sur la détection de cellules cancéreuses résiduelles sur d’autres types de tumeurs que le sarcome d’Ewing.
Laure Chaput
Maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne (UCA), praticienne hospitalière au CHU de Clermont-Ferrand et chercheuse au laboratoire Imagerie Moléculaire et Stratégies Théranostiques (IMOST)