Publié le 4 novembre 2024 Mis à jour le 13 novembre 2024

Non, le terme « cobotique » avec un «c » n’est pas le résultat d’une faute de frappe. Il définit le travail conjoint de l’Homme et du robot.

Non, le terme « cobotique » avec un «c » n’est pas le résultat d’une faute de frappe. Il définit le travail conjoint de l’Homme et du robot. Mêlant sciences de l’ingénieur et médecine, la « Chaire cobotique et sourire d’enfant » a été lancée en janvier 2024, hébergée par la Fondation de l’UCA. Son objectif est d’optimiser les dispositifs robotisés d’assistance aux enfants porteur·se·s d’handicap moteur ou neuromusculaire. Antoine Vacavant, professeur des universités en informatique à l’IUT du Puy-en-Velay et Flavien Paccot, maitre de conférences en robotique industrielle à l’IUT de Clermont-Ferrand, tous deux chercheurs à l’Institut Pascal, nous présentent leur projet.
 

À travers la « Chaire cobotique et sourire d’enfant » vous étudiez divers robots d’assistance médicale. Quelles sont leurs particularités ?


F.P. : Le projet concerne trois types de robotiques existantes : des dispositifs d’assistance aux échographies en gynécologie pour personnes obèses, d’assistance aux membres supérieurs (bras) et de rééducation des membres inférieurs (jambes) pour enfants.  En gynécologie, les examens sur personnes obèses sont souvent plus complexes à cause de matériel souvent inadapté. Le robot soulage le/la praticien·ne dans son geste clinique en maintenant la sonde avec le ventre de la femme enceinte. L’objectif à long terme étant de détecter plus rapidement les potentiels handicaps du fœtus[1]. En ce qui concerne l’assistance aux mouvements des bras, nous travaillons avec des robots de type « exosquelette robotisé » placés sur les bras des enfants pour accompagner leurs gestes. Enfin, pour la rééducation à la marche, nous étudions le robot G-EO qui assiste le mouvement de l’enfant, l’aidant à retrouver de la verticalisation. Ce dernier dispositif est particulier puisqu’il est le seul robot de ce type en fonctionnement en France. Actuellement, c’est la kinésithérapeute Guillemette Moreau Pernet, membre de la Chaire, qui l’utilise dans son cabinet. Elle accompagne déjà plus de 200 patient·e·s.

L’objectif n’est pas de concevoir de nouveaux robots mais d’optimiser ceux qui existent déjà… Comment allez-vous procéder ?  

 

F.P. : En fait, il va s’agir d’à la fois évaluer l’efficacité des dispositifs existants et de développer de nouveaux usages avec la technologie en place. En gynécologie, nous souhaitons utiliser l’imagerie échographique pour piloter le robot par exemple. En ce qui concerne l’assistance du membre supérieur, nous avons constaté que les enfants se désintéressaient du bras robotisé. Nous développerons des dispositifs pour permettre à l’enfant de jouer avec le robot afin d’améliorer son acceptation. Et la grande complémentarité des compétences de notre équipe scientifique[2] est une force pour accomplir ces objectifs.

A.V. : En ce qui concerne le robot G-EO, l’objectif est d’améliorer l’automatisation du dispositif existant et rendre accessible son utilisation à d’autres kinésithérapeutes qui n’auraient pas l’expérience métier de Guillemette. Nous allons collecter les données -comme par exemple la pression exercée par le/la patient·e sur les pédales du robot[3] - pour faire de l’apprentissage machine[4]. L’enjeu aujourd’hui est de pouvoir récupérer ces données en développant de nouveaux capteurs et produire des modèles pour prédire, anticiper les mouvements du/de la patient·e afin d’ajuster au maximum le maintien robotisé. Le robot s’adaptera encore mieux à la personne qu’il soutiendra : c’est vraiment de la médecine personnalisée !
 

Ces technologies ont un potentiel énorme… Pourtant, elles sont peu présentes sur le territoire. Pourquoi ? À quel(s) défi(s) faites-vous face ?

 

F.P. : Effectivement, l’objectif à long terme est de démocratiser l’utilisation de robots comme le G-EO qui accompagne actuellement des enfants venant des quatre coins de la France et même de l’étranger. L’idéal serait d’avoir un maillage territorial avec un robot dans chaque grande ville. Mais le frein principal est financier. Les robots ont un certain coût et pour que les financeurs comme l’État aient envie d’investir, il faut d’abord que leur efficacité soit prouvée. C’est pourquoi nous allons mettre en place des études d’évaluation des dispositifs et publier les résultats dans des journaux scientifiques. Une publication vient d’ailleurs de sortir prouvant qu’une séance avec le robot G-EO équivaut à dix séances de kiné ! Par la suite, c’est le grand public que nous viserons avec des actions de vulgarisation.

A.V. : Rappelons que si le handicap est évoqué lors d’évènements tels que les jeux paralympiques, il est très vite oublié par la suite. Avec cette chaire, nous continuerons à soutenir ces enfants dont le handicap est un sujet de tous les jours.

 

[1] « La qualité de la visualisation d’un examen diminue avec l’augmentation de l’IMC, quel que soit l’âge gestationnel, conduisant à des examens plus longs, souvent répétés et incitant à une réalisation plus tardive de ceux-ci ». Issu de l'article D. Lemery, B. Chauveau, A. Legrand et L. Boyer, "L’échographie obstétricale chez la femme obèse", Revue de Médecine Périnatale, Vol. 8(4), p. 180-186, disponible en ligne : https://shs.cairn.info/revue-de-medecine-perinatale-2016-4-page-180?lang=fr

[2] Listes des membres de la Chaire : Porteur·se·s :

Flavien Paccot, maitre de conférences (MCF), équipe Thérapies Guidées par l'Image à l’Institut Pascal (IP-TGI), Robotique
Hélène Chanal, professeure des universités (PR), équipe Mécanique, Génie Mécanique, Génie Civil, Génie Industriel à l’Institut Pascal (IP-M3G), Mécanique

Comité de pilotage :

Catherine Sarret, professeure de médecine, IP-TGI, Neuropédiatrie
Bénédicte Pontier, praticienne hospitalière, IP-TGI, Réadaptation
Guillemette Moreau-Pernet, kinésithérapeute
Antoine Vacavant, professeur des universités, IP-TGI, Imagerie Médicale/IA
Amélie Delabaere, praticienne hospitalière, IP-TGI, gynécologue obstétricienne

[4] L'apprentissage automatique (machine learning en anglais) est un champ d'étude de l'intelligence artificielle qui vise à donner aux machines la capacité d'« apprendre » à partir de données, via des modèles mathématiques.