Publié le 11 mars 2025 Mis à jour le 28 mars 2025

Les digues urbaines sont les premiers remparts de protection contre les inondations. Comment surveiller leur état et prioriser les travaux de réparation ? Quel·le·s acteur·rice·s de terrain sont concerné·e·s et comment peuvent-ils/elles travailler ensemble ?

 On passe souvent devant elles sans vraiment les voir… Pourtant, elles ont un rôle essentiel. Les digues urbaines sont les premiers remparts de protection contre les inondations. Comment surveiller leur état et prioriser les travaux de réparation ? Quel·le·s acteur·rice·s de terrain sont concerné·e·s et comment peuvent-ils/elles travailler ensemble ? Lancé en janvier 2025, le projet « DIBIM » ambitionne de développer un outil informatique de collaboration pour les gestionnaires qui gravitent autour de ces aménagements fondamentaux. Aurélie Talon, enseignante en génie civil à Polytech Clermont et chercheuse à l’Institut Pascal est coordinatrice du projet. Elle nous en explique les enjeux.

Vous êtes une experte du « BIM », « building information modeling » ou « modélisation des données du bâtiment » … En quoi ça consiste ?

A. T. : C’est une plateforme collaborative autour d’une infrastructure : une maquette virtuelle qui compile toutes les données que l’on peut avoir sur un pont, un bâtiment etc… Cette version numérique facilite le travail des divers·e·s acteur·rice·s qui opèrent sur l’ouvrage. Par exemple, les architectes vont se faire une idée du rendu grâce aux visuels 3D ; les ingénieur·eure·s vont pouvoir évaluer les quantités de matériaux nécessaires à la construction de l’infrastructure. En fait, le BIM est un outil de centralisation et de partage qui permet des échanges de données entre les gestionnaires pour répondre à des besoins techniques, économiques et de planification.

Image d'illustration : le système CVC (chauffage, ventillation, climatisation) d'un bâtiment

Le projet « DIBIM » va utiliser le BIM pour l’aide à la décision autour des digues urbaines, pourquoi ce choix d’infrastructure ?

A. T. : Les digues sont des aménagements qui permettent essentiellement de contenir l’eau et d’éviter les inondations. On les retrouve partout ! Dès qu’il y a un cours d’eau. En France, il y en a 8800 kilomètres. Pourtant, il n’y a personne qui a une vision globale de l’état de l’ensemble des digues françaises. Or, avec le changement climatique, il y a de plus en plus de risque d’inondation. Il faut donc mettre en place des systèmes d’optimisation de gestion pour permettre d’identifier les digues les plus dégradées à protéger, réparer en priorité. De plus, en milieu urbain, les aménagements sont condensés : les digues sont traversées par des réseaux d’électricité, de gaz, d’assainissement… Multipliant les acteur·rice·s qui se côtoient sans vraiment communiquer. Un outil collaboratif de gestion est donc le bienvenu.

Exemple d'une digue sans désordre en région PACA © C. Curt

Exemple d'une digue avec souci lié au changement climatique : inondation en région parisienne © M. VUILLET

Qu’allez-vous mettre en place pour développer cet outil ?

A. T.  :Le projet DIBIM est multidisciplinaire : expert·e·s du génie-civil, sociologues, économistes et acteur·rice·s de terrain vont collaborer. Avant de passer à la partie technique en proposant des outils informatiques, il y a tout un travail sociologique sur les comportements des divers·e·s gestionnaires autour des digues urbaines. Si ces dernier·e·s sont identifié·e·s, il reste à caractériser leurs interactions. C’est ce que nous ferons grâce à un travail d’interviews. Nous étudierons les pratiques actuelles et leurs impacts mais aussi les attentes et la volonté (ou non) d’échanges de données. Puis, il y aura un travail sur les données relatives à la gestion des digues : les échelles pertinentes pour obtenir des informations, quelles données sont à stocker et où, comment les partager et rendre les outils informatiques interopérables… Ensuite, nous développerons un outil collaboratif automatisant au maximum la modélisation des digues et des infrastructures traversantes. Enfin, nous déterminerons comment valider l’efficacité et la pertinence des outils développés auprès des utilisateurs finaux : les gestionnaires d’infrastructure.

Quelle est votre implication dans le projet ?

A. T. : Ma spécialité c’est le BIM dans le domaine du génie civil. J’étudie toutes les méthodes qui permettent d’aider les gestionnaires de terrain à prendre des décisions (détermination de l’état de santé, priorisation et planification des travaux …) autour d’une infrastructure. J’aurai deux casquettes dans le projet DIBIM. En tant que coordinatrice du projet, j’organiserai les temps d’échanges entre les différent·e·s acteur·rice·s scientifiques et techniques. Comme chercheuse en génie-civil et utilisatrice de logiciels de BIM, j’encadrerai également une thèse sur l’aspect automatisation des modélisations des digues et développement des plateformes collaboratives. La personne recrutée déterminera notamment comment passer de plans deux dimensions en une maquette numérique, comment optimiser les interactions sur les plateformes collaboratives et relier les informations des différents logiciels utilisés. Il s’agit là d’un travail ambitieux mais indispensable en somme !