Publié le 13 décembre 2024 Mis à jour le 17 décembre 2024

« HOMIGUT », prononcé « Oh my gut » - soit « Oh mon intestin » en anglais-, c’est le nom-jeu de mot qu’ont choisi deux laboratoires français et belges pour sceller leur collaboration scientifique.

« HOMIGUT », prononcé « Oh my gut » - soit « Oh mon intestin » en anglais-, c’est le nom-jeu de mot qu’ont choisi deux laboratoires français et belges pour sceller leur collaboration scientifique. Le 19 novembre 2024 avait lieu l’inauguration de ce Laboratoire International Associé entre l’unité MEDIS (Microbiologie, Environnement digestif et Santé, UCA/INRAE) de Clermont-Ferrand et le laboratoire CMET (Center for Microbial Ecology and Technology) de l’Université de Gand en Belgique. Ses objectifs ? Mieux connaître le microbiote de l’intestin grêle[1] et développer des stratégies pour le restaurer en cas de déséquilibre basées sur des extraits végétaux, des pré- ou pro-biotiques[2]. Stéphanie Blanquet-Diot, directrice adjointe de l’unité MEDIS et directrice du laboratoire HOMIGUT nous parle du projet.
 

Vos laboratoires étudient une partie du microbiote digestif humain d’une façon assez inédite, via des systèmes non invasifs pour les patient·e·s. Pouvez-vous nous en dire plus ?  

 

S.B-D : Nos travaux conjoints au sein d’HOMIGUT ont pour objectifs de mieux connaître le microbiote de l’intestin grêle et mieux comprendre son rôle en santé et nutrition humaine. Pourquoi l’intestin grêle ? Parce qu’il a un rôle clef dans le système digestif : c’est le site principal de digestion des aliments et absorption des nutriments, de colonisation de certains pathogènes et c’est là où la plupart des médicaments sont libérés et absorbés.

Schéma de l'appareil digestif humain (par Clémentine Beaudoux)


Contrairement à l’estomac ou au colon, l’étude de l’intestin grêle n’est pas simple puisque ce dernier est difficile d’accès chez l’Homme. Pour contourner cette difficulté tout en préservant les patient·e·s, nous développons des méthodes non invasives d’étude du microbiote de cette partie du tube digestif. Par exemple, nous travaillons avec l’entreprise grenobloise Pélican Health qui développe des « smart pills » ou « pilules intelligentes », que les patient·e·s ingèrent et qui collectent le microbiote, nous permettant d’avoir des données in vivo. Et puis, nous développons des techniques in vitro, des systèmes digestifs artificiels, qui reproduisent l’écosystème de l’intestin grêle humain et son microbiote afin d’en étudier son fonctionnement. C’est innovant car à l’échelle mondiale, les laboratoires qui développent ce genre de modèles se comptent sur les doigts de la main !

Modèle ESIN (model for Engineered stomach and small intestine), modèle d'estomac et intestin grêle artificiels
 

Vos deux laboratoires collaborent déjà depuis 15 ans … Pourquoi créer « HOMIGUT » aujourd’hui ?

 

S.B-D : Au départ, ce qui nous a rassemblé c’est que nous faisions partie des premiers laboratoires à avoir développé des modèles in vitro de l’environnement digestif. On s’est compris parce que l’on avait le même discours, le même langage… Et le travail commun s’est poursuivi naturellement. L’idée dans la création de ce Laboratoire International Associé est d’officialiser la collaboration, de sceller ce que l’on a fait depuis 15 ans. Cela permettra d’augmenter la visibilité de ce travail coopératif aujourd’hui si efficace. Et puis, à l’origine, la collaboration se matérialisait essentiellement par des échanges entre deux chercheur·e·s : Tom Van de Wiele (CMET) et moi-même. Ensemble, nous avons été co-encadrant·e·s de 4 thèses et à l’origine de 15 publications scientifiques communes. Avec la création d’HOMIGUT, nous souhaitons étendre les échanges et permettre à plus de personnes de nos unités de recherche de travailler ensemble. L’objectif est d’inclure l’ensemble du personnel scientifique, tout grade confondu : des personnes en charge de la technique aux personnes travaillant plutôt sur la théorie/recherche fondamentale et appliquée.

 

« Ce qui fait que cette collaboration fonctionne c’est la philosophie commune entre nos deux laboratoires. Une philosophie scientifique similaire avec des recherches multidisciplinaires sur des systèmes in vitro de l’environnement digestif associant scientifiques, cliniciens et sociétés pharmaceutiques ou de l’agroalimentaire… Mais aussi une philosophie de l’humain très forte. Le monde scientifique est très compétitif. Nous n’avons jamais instauré cet esprit de compétition entre nos deux laboratoires. Ainsi, travailler avec Stéphanie et son équipe, a toujours été très agréable ! »
Tom Van de Wiele, lors de son discours pour l’inauguration d’HOMIGUT le 19 novembre 24.

Quels sont vos objectifs futurs et quels apports pour la société envisagez-vous ?

 

S.B-D : D’un point de vue des équipes de recherche, nous allons intensifier les échanges franco-belges en augmentant le nombre de cotutelles de thèse[3], de publications scientifiques communes, et partages de protocoles expérimentaux. Les membres d’HOMIGUT seront invité·e·s à se déplacer entre la France et la Belgique pour une collaboration plus étroite. En ce qui concerne la recherche en elle-même, nous allons travailler sur des pathologies comme le SIBO, Syndrome de pullulation bactérienne du grêle, qui sont associées à des perturbations du microbiote de l’intestin grêle humain et nous participerons à l’élaboration de stratégies de restauration d’un équilibre digestif. C’est là qu’interviendront les pro-, prébiotiques et extraits végétaux que nous souhaitons développer en continuant de travailler avec des entreprises dans les domaines de la santé et la nutrition humaines. C’est grisant d’envisager que nos travaux auront une application concrète pour la société !


 

[1] Microbiote intestinal : Ensemble des microorganismes vivant dans nos intestins : bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes. [Inserm]
[2] Prébiotique : Molécules dont se nourrissent les microorganismes qui résident dans notre intestin. [Inserm]
Probiotique : Microorganismes vivants ayant un effet bénéfique pour la santé humaine s’ils sont ingérés en quantités adéquates. [Le Robert / Inserm]
[3] Cotutelle : projet de formation de thèse permettant à un étudiant en doctorat d’effectuer son travail de recherche/étude en étant encadré conjointement par plusieurs directeur·rice·s de thèse. [Université Paris Cité]