Publié le 15 décembre 2023 Mis à jour le 2 octobre 2024

« Derrière des façades austères, très rationalisées, sans fioriture, se raconte une histoire remarquable… Pas si ordinaire que ça ! » résume Amélie Flamand, chercheuse en sociologie, à propos des cités Michelin.

« Derrière des façades austères, très rationalisées, sans fioriture, se raconte une histoire remarquable… Pas si ordinaire que ça ! » résume Amélie Flamand, chercheuse en sociologie, à propos des cités Michelin. La sociologue et sa collègue Bénédicte Chaljub, architecte et chercheuse en histoire de l’architecture du 20ème siècle, nous invitent pour une immersion dans l’univers de ces ensembles architecturaux destinés originellement à l’habitat des ouvriers Michelin. Pendant un an, les chercheuses ont récolté des témoignages d’ancien·ne·s et actuel·le·s habitant·e·s et des paroles d’experts (paysagiste, zoologue, botaniste) autour de ces logements. Elles nous présentent aujourd’hui leur projet de podcast intitulé « cité Michelin : passé, présent et futur d’un patrimoine vivant » découpé en 6 épisodes.

Décider de traiter un sujet d’architecture - qui relève naturellement du domaine du visuel - en podcast, c’est original. Pourquoi ce choix ?

 

A.F : Le sujet des cités Michelin est encore très incarné à Clermont-Ferrand. De proche en proche, il concerne à peu près tout le monde ! Chacun·e connaît des morceaux de l’histoire et nous voulions offrir au grand public une vision d’ensemble et parler de leur évolution aujourd’hui. Auditrices de podcast, nous trouvions que la voix pouvait nous emporter dans des univers… Et puis, c’était aussi un challenge car nous n’avions jamais travaillé sur ce genre de format. La construction des épisodes est venue au fil de l’eau en avançant dans la récolte des témoignages. Nous décidions au fur et à mesure de ce qui était important pour nous, comme transmettre la parole de personnes qui allaient s’éteindre comme dans l'épisode 2.

B.C : En fait au départ, le projet autour de l’étude des cités Michelin a été pensé sous diverses déclinaisons qui se complèteraient : on voulait donner à lire via une publication scientifique, à entendre via ces podcasts et à voir à travers une exposition à venir.

Ce travail sur les cités Michelin, c’est le premier d’une telle envergure ?

 

B.C : C’est peut-être le premier avec des regards aussi croisés ! Les études qui avaient été faites auparavant relevaient soit de l’histoire soit de la sociologie et cela n’intéressait pas les architectes… D’ailleurs, Amélie et moi sommes nous-mêmes issues de deux domaines différents mais nous nous rejoignons sur un sujet de recherche commun : celui du logement. En outre, l’aspect du paysage n’avait jamais été abordé. Pourtant, cela nous semble important car les jardins font partie intégrante de la cité Michelin et la thématique de la nature en ville est un sujet d’actualité. 

A.F : Il y avait peu de regards récents non plus. Nous avons voulu aller au-delà d’une narration historique en citant des travaux beaucoup plus actuels sur le développement urbain global de la ville associé au développement de l’entreprise Michelin ainsi que sur la question du « mythe » Michelin et comment il est approprié par les ouvriers eux-mêmes.

D’une habitation ouvrière classique et rationnelle, la cité Michelin et son jardin semble aujourd’hui devenir un lieu de vie privilégié dans un contexte post-covid où les ménages aspirent à une meilleure qualité de vie …

 

A.F : Oui, en effet, ces habitations sont en centre-ville ET comprennent un patrimoine vivant à travers la biodiversité des jardins ! Certaines de ces habitations relèvent encore du logement social et d’autres, même dans le parc privé, ont des loyers modérés. Il nous semblait important de montrer que ce patrimoine-là est encore accessible à des ménages modestes.

B.C : Ces habitations constituent des petites surfaces très intéressantes pour des familles souvent mono-parentales.   

À l’écoute des trois premiers épisodes, l’idée d’optimisation semble récurrente dans l’histoire des cités Michelin : optimisation des surfaces habitables, du processus de construction, du temps de travail… Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

B.C : Au départ, il y avait cette idée chez Michelin d’être efficace dans la construction de logement : on construisait des maisons comme on construisait des pneus. Mais par chance, c’est devenu autre chose ! Aujourd’hui, l’optimisation concernerait la question du rééquilibrage thermique qu’apporte les végétaux des jardins à ces habitations dans un contexte de changement climatique.

A.F : Il y a tout un travail d’optimisation des parcelles en fonction du vivant, comme on le découvre dans l’épisode 3  avec l’intervention de Claude Chazelle, paysagiste, qui s’est occupé de la réhabilitation du quartier de l’Oradou. Notons tout de même qu’historiquement, en parallèle du côté « optimisation » il y a aussi eu un aspect plus de «débordement» parce qu’il y avait de la vie et parfois de la surroccupation autour de ce bâti !

En définitive, les cités Michelin relèvent du lotissement oui, mais d’un « lotissement hors du commun » …

 

B.C : Ces organisations sembleraient en apparence banales mais ne le sont pas parce que sont le fruit d’une entreprise, d’un « commun » (mêmes ouvriers de la même usine) qui aujourd’hui n’est plus, mais qui a organisé un espace public que l’on ne retrouve pas dans d’autres lotissements.

A. F : Et puis, ces habitations sont nombreuses : cela représente beaucoup de logements, de quartiers différents dans la ville. De plus, l’implantation de ces habitations n’est pas banale pour l’époque : une construction patronale qui s’étend jusque dans les années 70, c’est un peu anachronique comparé à ce qui se fait ailleurs. Et puis, ce qui rend ces habitats exceptionnels aujourd’hui c’est la place du vivant… En centre-ville !

 

Retrouvez le podcast « cité Michelin : passé, présent et futur d’un patrimoine vivant » sur Podcastics.