Publié le 13 novembre 2024 Mis à jour le 22 janvier 2025

Découvrez ce que le cinéma nous dit (ou pas) du droit et de la bioéthique grâce à Christine Lassalas et Rose-Marie Borges, maîtresses de conférences et spécialistes du droit privé à l'UCA.

Ghost in the Shell, Elysium, Amour, Million Dollar Baby… Le point commun entre tous ces films ? Ils sont au cœur d’un nouvel ouvrage auvergnat inédit : Ce que le cinéma dit (ou ne dit pas) du droit et de la bioéthique[1]. Dirigé par Christine Lassalas et Rose-Marie Borgès[2], ce livre propose d’explorer grâce au 7eme art notre vision de la bioéthique et de son encadrement juridique.
 

Tout d’abord, quelle est votre définition de la bioéthique ?

 

C.L. : Bio signifie « vivant », et ethos signifie « mœurs ». La bioéthique est donc l’application des valeurs humaines et morales au monde du vivant. Ici dans cet ouvrage on parle de la bioéthique appliquée à l’Homme, et en particulier du droit de la bioéthique, de son encadrement juridique.

Ce livre est la publication des actes du colloque que vous avez organisé le 24 novembre 2022 sur le sujet, avec une équipe de scientifiques très hétéroclite…

 

R.-M. B. : Oui ! Ce colloque[3]  était la restitution de notre projet nommé le CiD : « Le cinéma et le droit : investigations comparatives des dilemmes bioéthiques »[4]. On souhaitait voir comment les membres du projet pouvaient diffuser leur propre vision de la bioéthique. Et on a choisi de le faire à travers le cinéma.

C.L. : L’équipe de scientifiques était effectivement très hétéroclite, composée de médecins, de philosophes, de juristes, venant « d’horizons » et de pays différents, et le colloque a permis de fédérer toutes ces personnes et de rendre nos résultats accessibles au grand public. Éduquer les citoyen·ne·s au droit de la bioéthique, c’est important.

R.-M. B. : En effet, c’était l’occasion de toucher davantage le public et d’ouvrir la réflexion sur ce sujet à la société civile.
 

Ce qui saute aux yeux lors de la lecture des actes de ce colloque, c’est la richesse des thèmes de société étudiés. La bioéthique ne concerne donc pas seulement le domaine médical ?


C.L. : Il est normal de penser d’abord au domaine médical quand on parle de la bioéthique et de son encadrement juridique. C’est l’évolution de la médecine qui a permis de soulever ces questionnements. Maintenant, si on se réfère simplement aux lois de bioéthique[5], elles abordent de plus en plus de thématiques au fil des années. La bioéthique permet ainsi de penser aux choix concernant l’intelligence artificielle, la fin de vie… Dans l’ouvrage, on parle aussi de la politique de l’enfant unique : c’est une thématique qui relève également de la bioéthique.

 

R.-M. B. : Au départ, on a donné aux membres de l’équipe du projet un sujet : « Comment le cinéma appréhende la bioéthique », puis on leur a laissé carte blanche. Au final ils ont traité des thèmes très différents. Pour ma part, j’ai choisi dans le livre de m’intéresser à la thématique des chimères Homme/Animal[6] à travers le film L’île du Docteur Moreau[7].



Pourquoi avoir choisir le cinéma en particulier ?



R.-M. B. : On aurait pu choisir la littérature, mais le cinéma est beaucoup plus « parlant ». Notamment grâce au pouvoir de l’image qui a un fort impact sur les auditeur·rice·s. C’est très différent de l’image mentale qu’on peut se faire d’une scène lorsqu’on lit un livre par exemple.


C.L. : Il est beaucoup plus facile d’étudier une scène de film, car le public voit tout de suite de quoi il s’agit. Le film Amour[8] par exemple propose une ambiance particulière et suggestive pour le/la spectateur·rice, même avec un court extrait. Le cinéma rend le droit de la bioéthique, plus accessible au grand public, plus intelligible.



Le cinéma permet aussi de provoquer une réaction à la fois collective et intime. C’est parfait pour étudier la bioéthique : elle provoque elle aussi des réactions individuelles et collectives au sein de la société. Par exemple, la scène sur l’euthanasie dans le film Million Dollar Baby provoque toujours un ressenti particulier chez les spectateur·rice·s.
 



 

[1] LASSALAS Christine et BORGES Rose-Marie et (dir.), Ce que le cinéma dit (ou ne dit pas) de la bioéthique et du droit, Clermont-Ferrand, Éditions du Centre Michel de l’Hospital, 2023.
[2] Maîtresses de conférences à l’Université Clermont Auvergne (UCA) et spécialistes du droit privé. Elles sont toutes les deux membres du laboratoire Centre Michel de l’Hospital (CMH) de l’UCA.
[3] Ici : réunion visant à l’étude d’un sujet scientifique.
[4] Financé par l’UCA et la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) de Clermont-Ferrand, sur une durée de deux ans. Il était dirigé par Christine Lassalas et Rose-Marie Borges.
[5] Les premières lois de bioéthiques ont été adoptées en 1994 en France. Ces premières règles concernent notamment le respect du corps humain, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation. De nouveaux textes ont élargi cet encadrement juridique : parmi les dates clefs, on retrouve les lois de 2004, 2011 et 2021.
[6] BORGES Rose-Marie, « Les chimères Homme-Animal : entre dystopie et réalité », Ce que le cinéma dit (ou ne dit pas) de la bioéthique et du droit, Clermont-Ferrand, Éditions du Centre Michel de l’Hospital, 2023, p.189-214.
[7] Don Taylor, 1976.
[8] Michael Haneke, 2012.
 

Références

LASSALAS Christine et BORGES Rose-Marie (dir.), Ce que le cinéma dit (ou ne dit pas) de la bioéthique et du droit, Clermont-Ferrand, Éditions du Centre Michel de l’Hospital, 2023.

« 5 questions sur la bioéthique », Santé.gouv, Ministère du travail, de la santé et des solidarités, 11 octobre 2022, disponible en ligne :
https://sante.gouv.fr/grands-dossiers/bioethique/article/5-questions-sur-la-bioethique

« Les lois de bioéthique », Vie publique. Au cœur du débat public, 9 juin 2021, disponible en ligne : https://www.vie-publique.fr/video/280255-video-les-lois-de-bioethique