Publié le 12 décembre 2025 Mis à jour le 11 décembre 2025

Nous savons qu’elle existe, mais nous la connaissons mal. La plupart du temps, nous nous tournons vers elle lorsque c’est déjà trop tard. Et pourtant, elle a la lourde tâche de veiller sur nous, salariés. Elle, c’est la « médecine du travail » (cf encadré). Avec la dernière réforme de 2021, elle a pris la forme de services de prévention et de santé au travail SPST, agréés et certifiés. La volonté est de décloisonner les domaines de la santé publique et de la santé au travail, ainsi que de renforcer la dimension préventive. Les missions des services s’élargissent alors aux campagnes de vaccination, de dépistage et de sensibilisation, et doivent s’ouvrir à la médecine de ville. Samuel JULHE, professeur à l’Université Clermont Auvergne, chercheur au laboratoire LESCORES, et les membres de son équipe se sont penchés sur les effets de cette réforme d’envergure sur le fonctionnement des services.

Nous savons qu’elle existe, mais nous la connaissons mal. La plupart du temps, nous nous tournons vers elle lorsque c’est déjà trop tard. Et pourtant, elle a la lourde tâche de veiller sur nous, salariés. Elle, c’est la « médecine du travail » (cf encadré). Avec la dernière réforme de 2021, elle a pris la forme de services de prévention et de santé au travail SPST, agréés et certifiés. La volonté est de décloisonner les domaines de la santé publique et de la santé au travail, ainsi que de renforcer la dimension préventive. Les missions des services s’élargissent alors aux campagnes de vaccination, de dépistage et de sensibilisation, et doivent s’ouvrir à la médecine de ville. Samuel JULHE, professeur à l’Université Clermont Auvergne, chercheur au laboratoire LESCORES, et les membres de son équipe se sont penchés sur les effets de cette réforme d’envergure sur le fonctionnement des services.

 Notre santé au travail :
Depuis les années 50, tous les employeurs ont l’obligation légale de veiller à préserver la santé de leurs salariés. Ce sont aujourd’hui plusieurs corps de professionnel.les de santé qui veillent ainsi sur nous : médecins, infirmier.es, assistant.es de santé au travail, psychologues, ergonomes et intervenant.es en prévention des risques professionnels. 

C’est donc dans un contexte de profonds changements que Samuel JULHE et ses collègues ont quadrillé différents territoires pour recueillir le sentiment des acteurs.rices des SPST sur le terrain. Obtenir les autorisations pour avoir accès aux services n’a pas été sans mal. Il a fallu convaincre, rassurer et parfois même renoncer.

Leur méthode ?  Rencontrer et écouter ces professionnel.les de la santé au travail, puis comparer les discours. Les chercheur.euses ont ainsi sélectionné un échantillon contrasté de centres :   petits, gros, anciens, récents, ruraux, urbains etc. Plus de 150 entretiens leur ont permis de recueillir une multitude de données sur l’éventail des missions, sur la coordination entre les professionnel.les au sein du centre (formelle, informatisée ou informelle) et sur leur quotidien.

D’une belle idée sur le papier …à un service rendu dégradé

Le contexte était déjà tendu avec la baisse inexorable du nombre de médecins du travail. Et les résultats de l’étude viennent confirmer une tendance qui se dessine depuis plus d'une vingtaine d'années : la rationalisation et la managérialisation des services. La mise en œuvre de la réforme a, en effet, engendré une reprise en main des SPST par des gestionnaires avec l’introduction de nouveaux protocoles ainsi que des outils de coordination et de reporting numérique. Une palette de dispositifs dont l’équipe de recherche constate qu’ils s’avèrent chronophages et potentiellement contre-productifs. En effet, sous pression temporelle, les médecins délèguent de plus en plus de tâches aux infirmier.es, avec toutes les interrogations qui en découlent en termes de compétences, reconnaissance et protection juridique. En parallèle, ces outils de coordination informatisés réduisent les relations interpersonnelles informelles. Enfin, ces nouvelles conditions de travail favorisent une rotation forte des personnels de santé entre les services, avec pour conséquence des équipes qui ont davantage de difficultés à fonctionner de manière fluide. Entre désorganisation et alourdissement de la charge de travail, le service rendu se détériore.

Quel modèle de protection des salariés pour l’avenir ?

Force est de constater, auprès des personnes interrogées, le sentiment que le système mis en place post-seconde guerre mondiale meurt à petit feu…

Mais par quoi le remplacer ? « Le législateur et le pouvoir exécutif pourraient vouloir opter pour d'autres modes d'organisation », précise Samuel JULHE, qui en veut pour preuve ce qui se fait à l’international : la santé au travail assurée par le médecin traitant par exemple. « Mais à ce jour notre système est encore dans un entre-deux, qui peine à fonctionner et à assurer correctement ses missions de protection du salarié ».

Samuel JULHE espère que les organismes représentatifs des personnels se saisiront de ces résultats pour soutenir une transition du système. Pour cela, lui et son équipe préparent pour le printemps prochain une série de rencontres entre chercheur.euses de différents horizons et professionnel.les de la prévention et de la santé au travail.