Publié le 15 mai 2024 Mis à jour le 12 juillet 2024

Ces objets électriquement intermédiaires entre des isolants et des conducteurs qui sont 100 plus petits que la largeur d’un cheveu sont des composants essentiels de nos appareils électriques du quotidien.

Si l’éclairage public de la ville de Clermont-Ferrand est l’un des plus performants du monde grâce à ses ampoules LED[1] dernière génération, c’est grâce aux travaux de scientifiques comme Guy Tsamo. Après des études en physique, il a dédié sa thèse à l’optimisation du processus de fabrication de matériaux semi-conducteurs. Ces objets électriquement intermédiaires entre des isolants et des conducteurs qui sont 100 plus petits que la largeur d’un cheveu sont des composants essentiels de nos appareils électriques du quotidien. Et c’est grâce à la présentation au grand public de ce travail de recherche qu’il a remporté le Prix INP Polytech Clermont du Prix Jeunes Chercheurs organisé par la ville de Clermont-Ferrand en avril dernier.

La capacité à créer de la lumière des ampoules LED dépend de minuscules éléments électriques qui sont fabriqués dans des conditions très particulières : des associations précises d’éléments chimiques, des températures très élevées … Pouvez-vous nous expliquer comment on peut optimiser leur fabrication ?


G.T. : Les structures sur lesquelles j’ai travaillé sont des matériaux semi-conducteurs à l’échelle nanoscopique : des objets qui sont des milliers de fois plus petits que des globules rouges. J’ai étudié plus précisément les matériaux constitués d’éléments de la troisième et la cinquième colonne du tableau périodique des éléments chimiques (voir illustration) comme par exemple le Gallium, le Phosphore, l’Arsenic ou l’Azote.






En fait, pour fabriquer un semi-conducteur on utilise une machine ultra performante, un « bâti ultravide » (voir illustration ci-dessous). Cette technologie permet de reconstituer des conditions extrêmes : une pression atmosphérique comparable à celle de la Lune c’est-à-dire 1000 milliards de fois moindre que celle sur Terre et des températures très hautes pouvant aller jusqu’à plus de 1000°C.



Photo de bâti ultravide de Guy Tsamo

Dans le bâti ultravide, l’idée est d’assembler des éléments tels que le Gallium et l’Azote sur des supports composés de Gallium et d’Arsenic par exemple. Cet assemblage forme alors des petits objets semi-conducteurs en forme de gouttelettes, à l’image de la rosée sur une feuille. Et ce sont ces minuscules gouttelettes qui ont la capacité de créer de la lumière dans le cas des LED. Mes travaux ont montré qu’en faisant varier la température du bâti ultra vide, il était possible d’optimiser la quantité d’objet semi-conducteurs, c’est-à-dire un maximum de gouttelettes, tout en assurant leur bonne qualité : leur capacité à créer de la lumière. Et c’est grâce à ce genre d’optimisation que les LED utilisées par la ville de Clermont-Ferrand sont les plus innovantes et performantes au monde !

Et cet intérêt pour l’électricité et les matériaux prend racine dans votre enfance …


G.T. : Tout petit déjà, je m’intéressais à tout ce qui concerne le bricolage et l’électricité : je connectais des piles électriques à des ampoules à incandescence par exemple. Après mon baccalauréat, j’ai fait un parcours en physique : une licence et une première année de master au Cameroun. Ensuite, je devais faire un choix entre l’électronique, la mécanique ou la matière condensée, c’est-à-dire la mécanique quantique. Et j’ai été charmé par cette dernière qui étudie les phénomènes fondamentaux, notamment à l’échelle des atomes, à l’œuvre dans les systèmes physiques. Puis j’ai eu l’opportunité de suivre ma deuxième année de master sur les « matières condensées et nano-matériaux » à Nancy. J’avais repéré sur internet l’offre de la thèse que j’ai finalement réalisée à l’Institut Pascal, j’ai postulé et c’était parti pour trois années à Clermont-Ferrand ! Aujourd’hui, je suis en contrat de post-doctorat pour deux ans au CEA (Centre Energétique Atomique) à Grenoble et je continue mes travaux dans la science des matériaux.

Vous avez relevé le défi de parler d’électricité à échelle nanoscopique au grand public lors du Prix Jeunes Chercheurs. Comment avez-vous vécu cette expérience ?


G.T. : Ce ne fut pas un exercice facile pour moi car je n’avais jamais présenté mes travaux à un public non spécialisé ! Il a fallu que je trouve des termes simples pour expliquer mes recherches, en utilisant des exemples de la vie quotidienne comme les éclairages LED de la ville de Clermont-Ferrand ou des images parlantes comme la forme des volcans auvergnats pour imager la forme des gouttelettes semi-conductrices. Avoir reçu un prix m’a encouragé : la prochaine fois que je présenterai mes travaux de recherche au grand public, je serai plus à l’aise, mieux outillé et je ferai peut-être une performance encore meilleure qu’à Clermont !