« Ce travail est crucial […] dans le cadre du changement climatique. »
Véronique Genevois-Gomendy est spécialiste de l’étude de la répartition des sols au sein des paysages. Elle collabore avec l’université d’Auvergne pour transmettre aux étudiants les bases de la pédologie et apporte son expertise à diverses institutions de recherche, comme VetAgro-Sup, l’Inrae, l’Institut Français du vin ou le Parc des volcans d’Auvergne. Elle est convaincue qu’une meilleure connaissance des sols est une des clés pour relever le défi climatique.
Certains ont la tête dans les nuages et regardent l’horizon, Véronique elle, l'a plutôt dans la terre. Elle sonde les mystères qui se trouvent sous nos pieds. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas si commun, de regarder (sous) ses pieds. Son objet d’étude, la pédologie, a obtenu le statut de discipline « rare » en 2023. Ce qui signifie que le nombre de spécialistes qui enseignent cette matière dans les universités françaises se comptent sur « les doigts d’une main ». La scientifique mesure sa chance : elle a été formée par des pédologues à une époque où existait encore un centre CNRS de pédologie biologique, à l’université de Lorraine.
Cette passion insolite est née d'un concours de circonstances. Attirée par l'archéologie, elle comprend dès son premier stage pratique que ce ne sont pas les ruines qui l'intéressent, mais bien les couches de sols qui racontent une histoire plus ancienne, vieille de milliers voir de millions d'années ! Elle se passionne dès lors pour tous les témoins du passé mais également les plantes, minéraux, volcans, rivières et lacs.
Ce que la pédologue aime par-dessus tout, c’est se confronter à la réalité, parcourir par tous les temps le territoire auvergnat en creusant des trous, sa tarière à la main. Telle une enquêtrice, elle sonde le terrain à la recherche d’indices qui lui permettront de comprendre comment s’organisent les sols en fonction de la géologie, du climat, de la géomorphologie… et ainsi de proposer des cartes. Associés à des analyses en laboratoire, ses travaux permettent aux chercheurs et aux acteurs du territoire de comprendre la diversité de la capacité des sols à produire, retenir l’eau et être source de biodiversité.
La première fois qu’elle a ausculté un sol, Véronique s’en souvient comme si c’était hier. C’était à Avignon, elle était étudiante en « master 2 recherche » et devait explorer les effets des feux de forêt sur les sols. Elle a trouvé sa voix. Cap sur la Brie et ses plaines cultivées. Là, elle entame une thèse de doctorat pour étudier l’évolution des propriétés physiques et hydriques des sols. Puis ce sera l’Australie pour un postdoctorat.
En 1999, elle décide de s’ancrer dans les montagnes volcaniques du Cantal. On se soucie peu du sol à l’époque, les perspectives professionnelles sont maigres. Qu’à cela ne tienne, la scientifique décide de créer sa propre activité : elle monte un cabinet d’études des sols et de l’environnement et répond à des appels d’offres et des demandes d’expertises, tout en élevant ses deux enfants.
Une dizaine d’années plus tard, l’époque est à la prise de conscience : on commence (enfin !) à se soucier des conséquences du dérèglement climatique, on comprend que les espaces naturels doivent être davantage documentés… L’expertise de la pédologue-cartographe est sollicitée : en 2013, VetAgro-Sup lance un programme « Sols et territoire d'Auvergne », dont l’objectif est la création d'une carte exhaustive des sols de la région, elle en a la charge. De cette initiative, naissent les premières cartes des grands types de sols présents sur les départements du Cantal, du Puy de Dôme et de la Haute-Loire. « Ce travail est crucial, explique-t-elle avec passion, car dans le cadre du changement climatique, des problématiques de sécurité alimentaire et de gestion de la ressource en eau, la connaissance spatialisée des sols est une des clés à prendre en compte pour optimiser leurs usages, adapter les pratiques en agriculture, construire des politiques d'utilisation des territoires raisonnées et raisonnables ».