XX Elles : Sylvie Ducki
« Avec mes collègues, nous essayons d’innover en créant des médicaments, nous imaginons de nouvelles molécules […] »
Sylvie Ducki est professeure des universités en chimie organique et médicinale. Elle partage son temps entre la recherche à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (UMR6296 CNRS UCA), où elle développe des médicaments pour combattre la douleur, et l’enseignement à l’école d’ingénieurs SIGMA Clermont, où elle forme les ingénieurs de demain. Avec elle la chimie, c’est sans mal.
Pourquoi ce pull gratte-t-il ? Et pourquoi les carottes donnent les joues roses ? Elle a mauvais goût l’eau de la piscine ! Pourquoi le chewing-gum colle-t-il aux appareils dentaires ? Tant de questions sans réponse que Sylvie Ducki s’est posées jusqu’à ce qu’elle découvre la chimie ! À quatorze ans, un monde insoupçonné s’ouvre à elle : l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les aliments que nous mangeons jusqu’aux matériaux du quotidien, plastiques, métaux, tissus, tout est molécule… même les médicaments qu’elle développe désormais.
Passionnée par les sciences de la vie, Sylvie s’oriente à 18 ans vers la chimie organique, une discipline essentielle pour comprendre la chimie du vivant. Son aventure débute en Angleterre, où elle étudie les plantes médicinales utilisées dans le traitement du cancer. Ses recherches la mèneront aux États-Unis, au Chili, en Italie… Quinze ans à parcourir le monde pour cultiver les savoirs et comprendre comment sont développés les médicaments. Le goût du voyage ne la quittera plus. « J’adore découvrir de nouvelles cultures, faire de belles rencontres, parler différentes langues... », s’émerveille la chercheuse.
Forte de ses expériences à l’international, elle revient en France avec un objectif en tête et un défi de taille : soulager les vingt millions de Français qui souffrent de douleur chronique. Avoir mal est un cri d’alarme, mais quand la douleur persiste au-delà de 3 à 6 mois, quand elle s’installe et se répète, elle devient maladie, qu’il faut soigner. Seulement voilà, chez 60 % des patients, les antalgiques actuels – paracétamol, tramadol et même morphine – ne sont pas efficaces. Et il y a des maux que la science n’arrive pas encore à soulager, comme les douleurs neuropathiques causées par des lésions des nerfs ou celles liées à des maladies graves, comme le cancer ou la maladie d’Alzheimer.
Au laboratoire, Sylvie cherche à améliorer les antalgiques pour qu’ils soient plus efficaces avec moins d’effets indésirables. « Avec mes collègues, nous essayons d’innover en créant médicaments, nous imaginons de nouvelles molécules : un carbone ici, un hydrogène par là… C’est un peu comme créer un nouveau plat, on essaie, on retente, jusqu’à trouver la meilleure recette. »
Cette scientifique s’inspire aussi de la nature, car 50 % des médicaments viennent des plantes. Saviez-vous que l’Auvergne abrite une flore exceptionnelle et possède une riche tradition d’utilisation de plantes médicinales ? Arnica montana pour soulager les douleurs musculaires, reine-des-prés pour les maux de tête, prêle pour traiter l’arthrite…. Cette fois, pas de voyage en solitaire mais un travail en équipe avec des modélisateurs qui réalisent des simulations moléculaires et des pharmacologues qui décodent les mécanismes d’action des médicaments. Fruit de cet effort commun, l’Institut Analgesia, dont elle est cofondatrice, est aujourd’hui la première fondation de recherche dédiée à l’innovation contre la douleur en France. Il y a de quoi se lancer des fleurs !