Publié le 18 avril 2024 Mis à jour le 18 avril 2024
CESPAU UCA
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Vincent Moncorgé
Vincent Moncorgé

 

« […] l’IA suggère des collaborations entre entreprises. »


Adélaïde Albouy-Kissi est Maître de conférences en informatique appliquée à l’Université Clermont Auvergne. Matheuse et engagée pour un avenir durable, elle utilise l’intelligence artificielle pour développer le Made in France sur les territoires.

Petite, Adélaïde passait des après-midis entières avec son père à faire des mathématiques. C’était leur moment à eux. Et le début, certainement, d’une passion durable : en grandissant, elle prend conscience que les mathématiques permettent de modéliser des problèmes complexes, à l’aide d’équations, de graphes… Mais elles n’ont de valeur à ses yeux que si elles sont au service d’une application concrète.

À la sortie du lycée, pour confronter sa passion au réel, la jeune femme s’engage dans des études supérieures en électronique et automatisme, où les mathématiques sont notamment utilisées pour modéliser la vision. Ce domaine de l’analyse d’images l’enthousiasme, au point qu’elle décide de poursuivre en thèse à l’Inserm : elle cherchera des algorithmes pour aider les médecins à détecter des pathologies dans des images échographiques. Doctorat en poche, elle rejoint l’Institut Pascal à l’Université Clermont Auvergne, où ses travaux s’orientent vers les récentes applications de l’intelligence artificielle (IA) à la vision par ordinateur. Elle découvre alors l’énorme potentiel de cette technologie et décide de faire un pas de côté pour changer de cadre applicatif : fini l’image, utilisons l’IA pour aider au développement économique des territoires !

Un revirement nourri par une curiosité insatiable : au cours de ses explorations, la chercheuse croise les concepts de limites planétaires, de changement climatique… et prend conscience des risques sécuritaires qui en découlent. Elle veut s’engager : parmi l’ensemble des actions à mener pour un monde soutenable, elle décide de mettre à profit ses compétences en IA pour aider à la relocalisation des productions industrielles. L’idée est simple : une production locale implique moins de transports, donc moins d’émissions de gaz à effet de serre.

Fin 2019, survient l’épidémie de Covid. Au pic de la crise, la France n’a plus de masques chirurgicaux, plus de gel hydroalcoolique ni de respirateurs. Un élan de solidarité naît dans la société. Des ingénieurs mettent au point des respirateurs faciles à produire en un temps record, des milliers de personnes cousent des masques en tissu à distribuer, d’autres utilisent leurs imprimantes 3D pour créer des visières anti-projection. Adélaïde, son mari et ses deux enfants font partie de ceux-là : ils embarquent des machines de laboratoire dans leur grenier, qui tournent 24h/24h pour produire plus de 3000 visières ! Les usines aussi font leur part : certains producteurs de spiritueux adaptent leurs outils pour produire du gel hydroalcoolique. L’engagement collectif est louable, mais cet épisode met en lumière la fragilité de notre stratégie industrielle et incite à développer des modèles de production plus agiles, plus distribués et résilients, réalise la scientifique.

Les recherches d’Adélaïde prennent dès lors une nouvelle dimension : il ne s’agit plus simplement de réduire les transports, mais également d’assurer l’agilité du système productif – sa capacité à s’adapter à une production d’urgence, une crise du transport – et la sécurité d’approvisionnement, notamment alimentaire. Or l’intelligence artificielle peut accompagner cette dynamique d’économie circulaire et le développement du made in France : « Sur le modèle des plateformes de rencontres comme « Tinder, l’IA suggère des collaborations entre entreprises pour trouver des clients et fournisseurs locaux, créer de nouvelles usines sur les territoires, explique la chercheuse. Elle permet aussi d’identifier les sociétés ayant le potentiel de transformer leur production rapidement pour faire face aux aléas. »